vendredi 31 juillet 2015

Lead, Kindly Light

Mes lectures récentes me donnent envie de partager ce poème 'œcuménique' (il a été mis en musique et est chanté en Grande-Bretagne tant par des catholiques que par des anglicans) de John-Henry Newman, théologien anglais du XIX° siècle. Il me semble qu'il peut donner un beau ton au dialogue œcuménique qui se situe dans la tension entre la volonté ferme de suivre fidèlement le Christ et le constat désolant que l'on fait de nos faiblesses, de nos médiocrités, de notre péché, bref, de tout ce qui empêche de suivre pleinement le commandement du Christ, "qu'ils soient un comme nous sommes un". 

Conduis-moi, douce lumière, parmi l'obscurité qui m'environne, conduis-moi !
La nuit est sombre, et je suis loin du foyer, conduis-moi !
Garde mes pas ; je ne demande pas à voir
Les scènes éloignées : un seul pas est assez pour moi

Je n'ai pas toujours été ainsi : je n'ai pas toujours prié que tu me conduises ;
J'aimais choisir et voir mon chemin, mais maintenant conduis-moi.
J'aimais le jour éclatant, et, malgré mes craintes,
L'orgueil dominait mon vouloir : ne te souviens pas des années passées.

Aussi longtemps que Ta puissance m'a béni, aussi longtemps elle me conduira encore,
À travers landes et marécages, rochers et torrents, jusqu'à ce que la nuit s'achève
Et qu'avec ce matin sourient ces visages angéliques
Que j'ai longtemps aimés et perdus pour une heure.


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En version originale:

Lead, kindly Light, amid th’encircling gloom, lead Thou me on!
The night is dark, and I am far from home; lead Thou me on!
Keep Thou my feet; I do not ask to see
The distant scene; one step enough for me.

I was not ever thus, nor prayed that Thou shouldst lead me on;
I loved to choose and see my path; but now lead Thou me on!
I loved the garish day, and, spite of fears,
Pride ruled my will. Remember not past years!

So long Thy power hath blest me, sure it still will lead me on.
O’er moor and fen, o’er crag and torrent, till the night is gone,
And with the morn those angel faces smile, which I
Have loved long since, and lost awhile!

Cédric de La Serre

Quelques actualités de Terre Sainte

L'actualité de la Terre Sainte raisonne ces jours-ci avec quelques uns des articles qui ont été posté sur ce blog au cours du mois dernier.

Aussi, peut-on suivre ce qui se passe:

- A propos de l'incendie du monastère de Tabgha, des suspects ont été inculpés:

- A propos des familles de Beit Jala qui risquent de se voir privées de leurs terres - leur moyen de subsistance - du fait du passage du mur en construction. Après plusieurs péripéties judiciaires et diplomatiques, la cour suprême a finalement autorisé la construction du mur, ce qui provoque à nouveau la mobilisation des futures victimes potentielles. Ces chrétiens demandent aux autres chrétiens du monde de se mobiliser et de faire savoir ce qu'ils subissent, ce que je fais donc!


- A propos des relations très tendues entre Arabes et Juifs israéliens dont nous avons été témoins, en particulier dans le centre-ville sur-réaliste et apocalyptique d'Hébron, un fait-divers tragique vient corroborer nos sentiments.

Cédric de La Serre

jeudi 30 juillet 2015

Départ d’Israël – derniers poèmes

Me voici arrivée à la fin de mon parcours dans ce pays, sur les traces de Celui qui nous précède en tout. Dans quelques heures, je quitterai l’aéroport de Tel -Aviv, dans mes bagages : la beauté de cette terre, des rencontres, des lieux visites. Dans mon cœur, de multiples conversions, à l’unité, au pacifisme, à l’écologie: un tremblement de terre m’aurait moins déplacée...

Alors que je cherche dans ma chambre désespérément à fermer ma valise, une seule pensée peut me consoler de la fin du voyage, c’est celle de la communauté que nous avons formée ici dans ce blog, celle d’une communion au-delà des frontières. 

Merci à vous tous qui avez suivi ce blog, à vous tous qui nous avez soutenu. Merci à l’Association pour l’unité des chrétiens et en particulier à Jane Stranz et au père Franck Lemaitre d’avoir rendu ce rêve possible. Merci!

En guise d’au-revoir, je vous laisse quatre petits poèmes que j’ai écrit pendant mon séjour, j’espère que nos routes se croiseront à nouveau,

Que le Seigneur vous garde,                           
Helena Vicario

Je suis venue avec un sac plein de questions sur moi, sur ma vie, sur Ta volonté pour moi. Je voulais avoir au retour un sac de réponses sans me rendre compte qu’elles pèseraient peut être plus lourd que me les questions. Tu m’as dit de poser le sac, de m’asseoir, de passer un temps avec Toi. Je me suis levée, reposée et je me suis remise à marcher. J’ai oublié mon sac au pied du banc.   

II
Un visage buriné par le temps. Des yeux bleus ouvrent le monde. Où est la Croix perdue sinon sur la face d’un pèlerin ? - Ecrit à l’église du Saint Sépulcre, Jérusalem

III
Que peut faire contre le mur ce Christ à peine sorti de l’adolescence, qui se repose un instant sur la paroi de l’église ?
Poser son regard de douceur sur chacun des visiteurs.
Ecrit au Monastère de l’Emmanuel à Bethleem au pied du Mur.

IV
La solitude est un olivier courbe qui abrite dans ses branches une lune à peine née et au creux de la plus petite de ses feuilles la terre, qui retient son souffle.
Ecrit au Mont des Oliviers, Jérusalem. 

lundi 27 juillet 2015

"Qu'as-tu fait ? Ecoute, le sang de ton frère crie du sol vers moi !" (Gn 4,10)


            Journée… difficile et pesante… emprunte d'amertume et pourtant d'espérance. Ce qui se joue sur cette terre est une véritable tragédie humaine pour deux peuples, deux peuples qui se sont entretués depuis de trop nombreuses années. Saint Paul ne dit-il pas "l'accomplissement parfait de la Loi, c'est l'Amour" (Rm 13,10, lecture du milieu du jour d'aujourd'hui) ?

Nous sommes allés à Hébron, lieu des tombeaux des patriarches, ville en territoire palestinien, colonisé petit à petit par des colons israéliens, avec des rues fantômes. Colère, amertume, incompréhension face à un peuple qui a tant souffert et qui fait souffrir à nouveau ses frères. Un rabbin nous disait qu'ils s'appuyaient sur la promesse faite à Abraham en Gn 12,2 : "Je ferai de toi une grande nation et je te bénirai". Le fait qu'au-dessus des tombeaux des patriarches se situent une mosquée et une synagogue certes séparées par un mur mais dans un seul bâtiment, n'est-il pas le signe que cette grande nation est plus large que beaucoup ne le pensent ?
Mausolée au-dessus du tombeau présumé d'Abraham visible de la mosquée et de la synagogue
La tente des nations (http://www.tentofnations.org/) nous a ensuite ouvert les bras : seul cas dans tous les territoires palestiniens où une famille possède les documents indiquant qu'ils sont propriétaires de leur terre depuis au moins 1916. Régulièrement, leurs plantations (ils vendent des fruits) ou leurs citernes (ils n'ont accès ni à l'eau courante, ni à l'électricité) ou toute nouvelle construction sont détruites, la route d'accès a été barrée par des gravats pour des raisons de sécurité. Les documents leur indiquant que leurs plantations d'arbres fruitiers ou leurs constructions vont être détruites ne leur sont pas remis en mains propres mais laissés sur une pierre près du lieu de destruction. On leur interdit systématiquement de planter ou de construire quoique ce soit et la loi prévoit que si, pendant trois ans, leur terrain n'est pas utilisé, il devient propriété du gouvernement. Ce qui m'a frappé est que, malgré les tensions et les cinq colonies environnantes, la paix règne dans ce lieu. Cette famille chrétienne continue à accueillir des jeunes pour leur donner le sens de la terre, de l'écologie, de l'amour et de l'espoir. Leur motivation est : "nous refusons d'être ennemis". Leur vision, qui n'est pas qu'un simple slogan mais qu'ils vivent profondément, repose sur les vertus théologales, dons de Dieu : une foi pratiquée ; un refus de la haine par l'amour des autres (tous) et de la terre ; un refus de devenir des victimes par une espérance qui n'est pas une simple attente mais le modelage de l'avenir par l'action en faveur de la paix. Tout cela pour la justice. Une magnifique leçon de courage, d'abandon et de persévérance !
La tente des nations : des personnes qui construisent des ponts
Le rabbin colon que nous avons rencontré et qui œuvre depuis un an et demi pour plus de dialogue, nous disait que pendant cinquante ans, il n'avait rencontré aucun Palestinien, que tout se passait comme s'ils n'existaient pas alors que de l'autre côté du mur où il habitait, vivaient des Palestiniens ! Ainsi, le chemin vers une plus grande unité des Chrétiens, passe aussi par ces lieux de rencontres : que ce soit des lieux de prières, mais aussi des lieux informels de vie et de partage. Nous ne pouvons passer toute notre vie en sachant que nos frères chrétiens vivent dans la même ville et ne pas les rencontrer en frères ! Lors du Jugement Dernier, je suis convaincu que le Seigneur qui a versé son sang pour nous, nous posera cette question (Gn 4,10, question posée à Caïn, faisant écho à la quête de Dieu cherchant Abel): "Qu'as-tu fait ? Ecoute, le sang de ton frère crie du sol vers moi", le sang versé mais aussi le cri de la souffrance, de l'ignorance et de la critique. Sommes-nous prêts à verser notre sang pour nos frères ? Je terminerai avec ces mots de Mère Teresa : "Gardons dans nos cœurs la joie de l'amour de Dieu et partageons cette joie de nous aimer les uns les autres comme Il aime chacun de nous."
Icône au monastère de Saint Gérasime du Jourdain près de Jéricho
                                                                                                                          Nicolas


Je prends parti


« Et le roi leur répondra: Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous avez fait ces choses à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous les avez faites. » Mt 25,40

Il est tellement facile ici, en plein milieu du conflit israélo-palestinien d’oublier les personnes. D’adhérer à un discours que ce soit celui du camp israélien ou celui du camp palestinien et d’oublier que derrière le mot adversaire habitent tant de femmes, d’hommes et d’enfants. Il est facile d’oublier que les  chiffres, les statistiques démographiques, les faits historiques, les provocations et même les actes violents n’ont pu avoir raison de cette vie que l’on rencontre partout : des parents qui s’inquiètent pour leurs enfants, des couples qui veulent vivre leur amour, des enfants qui jouent dans la rue.

Il est facile d’oublier que toutes les ressources investies dans les armes ou dans la haine ne peuvent briser l’hospitalité vécue ici dans son sens le plus vrai, le plus intense, le plus intime. Quand je sais ce que peut couter un sourire quand on ignore de quoi demain sera fait, je ne peux que rendre grâce au Seigneur de la moisson de sourires et de la bienveillance que j’ai récolte ici pendant ce séjour. Je m’émerveille, dans une terre déchirée par le conflit de la bonté des personnes de tous les horizons.

Si je dois prendre parti dans ce conflit, je prends parti pour les gens simples d’un côté et de l’autre du mur. Je prends parti pour ces familles, pour ces hommes et ces femmes qui arrachent au temps et aux violences, la grande victoire d’une vie banale : un travail, un foyer, quelques rêves, et le miracle quotidien d’un rire ou d’un chant.

Je prends parti pour les petits, quels qu’ils soient ou qu’ils se trouvent, car, je le crois fermement, ce sont eux qui l’emporteront.

Helena   

dimanche 26 juillet 2015

Wall Street (in Bethlehem)

L'article pourrait aussi s'appeler "S'ils se taisent, les pierres crieront" (Luc 19, 40)
L'Institut Tantur qui nous accueille est un endroit merveilleux, au sommet d'une colline et entouré d'un très agréable jardin, fleuri et ombragé. Une seule chose (outre l'absence de clim dans les chambres!) nous rappelle que ce n'est cependant pas le jardin d'Eden : la vue sur Bethlehem, à vol d'oiseau à environ 200 mètres. Depuis 2002, Bethlehem – qui se situe dans la grande banlieue de Jérusalem – est séparée de celle-ci par la « barrière de séparation israélienne », en cours de construction autour de toute la Cisjordanie et la bande de Gaza. Je mets des guillemets sur sa dénomination, parce que celle-ci ne fait pas l'unanimité: Israélien (ou partisan du projet), on pourrait aussi appeler cette construction « grillage de séparation », « zone de couture », « barrière anti-terroriste », « clôture de sécurité » ou encore « muraille de protection ». Et Palestinien (ou contestataire de ce projet) on dirait « mur de la honte », « mur d'annexion », « mur de l’apartheid », « mur de séparation raciale ».

Il est ainsi difficile de se situer.... D'un point de vue purement matériel, il est vrai qu'il est difficile d'appeler cette construction « mur », puisque seuls 5% des 730 km est effectivement un mur (en béton, généralement de huit mètres de haut), dans les zones urbaines. Le reste est une barrière constituée de différentes couches de grillages, barbelés et no man's land sur une largeur de 50 mètres (à moins que la topographie n'exige que cela soit plus large). La séparation fait environ 730 km, suivant un parcours compliqué: en gros elle suit (sur 20% de sa longueur) la ligne verte définie par les nations unies (qui fait environ 320 km), mais en certains endroits elle pénètre très largement à l'intérieur de la Cisjordanie, en particulier pour intégrer des colonies israéliennes, certains accès à l'eau et quelques terres agricoles. En tout cas, vu depuis Tantur, c'est bien un mur qui entoure Bethlehem.

Je ne souhaite pas ici discuter de la légitimité du mur, ce serait trop compliqué : je note seulement deux points complémentaires:
- L'objectif de faire baisser l'insécurité en Israël semble tout à fait atteint, puisque, par exemple, le nombre d'attentats a littéralement fondu. C'est donc un succès.
- Mais, après avoir pris acte de la position de la Cour Internationale de Justice (qui affirme : « L'édification du mur qu'Israël, puissance occupante, est en train de construire dans le territoire palestinien occupé, y compris à l'intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est, et le régime qui lui est associé, sont contraires au droit international »), l'Assemblée générale des Nations Unies a voté, en juillet 2004, une résolution exigeant d’Israël qu'il suive le droit international.

Plutôt qu'une analyse complexe des enjeux et effets de cette clôture de séparation (à but sécuritaire ou politique?) – ce que je ne saurais pas faire puisque tout ceci me dépasse tout à fait -, je vous propose de partager des photos que j'ai prises à Bethlehem, et qui disent quelque chose de la réalité vécue par les gens qui y habitent. Évidemment, ce ne sont que quelques clichés amateurs, pris, qui plus est, dans un périmètre restreint: Ils sont donc partiels et il ne faut donc pas leur donner plus de valeur que celle d'un témoignage.







Cette photo est dédicacée à Karine G.



Icone de "Notre-Dame qui fait tomber les murs" écrite sur le mur à l'endroit où il entoure le monastère de l'Emmanuel 

Cédric de La Serre

vendredi 24 juillet 2015

La Terre Promise est-elle une arnaque ?

Par ce titre un peu provocateur, je voudrais partager une expérience que toute personne pérégrinante en Terre Sainte ne peut manquer de faire.

Les images d’Épinal, les illustrations un peu niaises des cahiers de catéchisme et la peinture sulpicienne nous font trop souvent extrapoler l'idée que l'on se fait de la Terre Promise à partir de notre regard français : On la verrait comme un ensemble de collines verdoyantes, aux hautes herbes grasses et irriguées par de rafraîchissantes rivières dans lesquelles paissent de grosses et belles vaches et de gentilles petites chèvres. D'ailleurs, le psalmiste le dit : « Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien ; sur des prés d'herbe fraîche Il me fait reposer. Il me conduit vers les eaux tranquilles et me fait revivre ».

Or, cette fameuse Terre Promise, ce n'est ni la Basse-Normandie, ni les riants vallons Suisses. Et c'est là qu'une visite sur le terrain permet de faire un pas en théologie : Le livre de Josué (chap.3) décrit, après les années d'errance dans le désert, l'entrée tant attendue dans la Terre Promise, cette terre donnée par Dieu à son peuple, réputée « terre fertile ruisselante le lait et le miel » (Ex 3,8). Or, ce pays, plutôt qu'un vallon suisse, ressemble à s'y méprendre à un désert. En l’occurrence, à Jéricho, le désert de Juda... Comment alors comprendre le don magnifique que devrait représenter la Terre Promise ? Comment se réjouir, après des années d'errance dans le désert, d'entrer à Jéricho ? Quelle déception, disons-le, quelle arnaque !
Le désert de Juda, à l'ouest de Jéricho, porte d'entrée de la Terre Promise.
" [Le Seigneur dit:] Je suis descendu pour délivrer mon peuple de la main des Égyptiens
et le faire monter de ce pays vers un bon et vaste pays, vers un pays ruisselant de lait et de miel"
. Ex.3,8
Et pourtant, en chrétiens, nous prenons au sérieux la Parole de Dieu, et, si nous ne pouvons pas avoir une lecture fondamentaliste de l’Écriture, nous ne pouvons pas pour autant passer au dessus de tel ou tel passage au nom du fait qu'il nous semblerait irrecevable ou incohérent avec le reste.
Il me semble, de ce fait, que la visite de la Palestine permet de toucher du doigt quelque chose de l'expérience qu'ont fait les Hébreux et dont les récits bibliques rendent compte. Cette expérience, le psaume 23 cité plus haut la résume très bien. Ce n'est rien de moins que la possibilité de clamer en vérité -  et même au milieu du désert - « je ne manque de rien, sur des prés d'herbe fraîche Il me fait reposer ; Il me conduit vers les eaux tranquilles et me fait revivre ». Et crier cela dans un désert, lui donne une force bien supérieure à nos rêves romantiques de pays d'Auge éternel ! Oui, au milieu d'un désert aride et hostile, l'expérience de l'entrée en Terre Promise nous permet d'affirmer que l'on ne manque de rien !

Cette expérience forte, et à mon sens tout à fait bouleversante, il me semble que c'est celle de la présence et de la prévenance de Dieu : en remettant notre vie dans ses mains, en Le laissant en être le maître et la conduire, alors on entre effectivement dans la Terre Promise. Evidemment, « entrer » n'est alors plus à entendre essentiellement selon une perspective géographique ou topologique, mais bien spirituelle. D'ailleurs, les découvertes archéologiques – ou plutôt l'absence de découvertes de traces de la prise de Jéricho – vont dans ce sens : ce qui est décrit dans le récit biblique n'a pas l'ambition de rendre compte d'un événement purement historique mais bien d'une expérience spirituelle. Celle-ci n'étant plus tellement inscrite ni dans le temps ni dans la géographie, devient alors accessible à tous, en tout lieu et en tout temps.

En chrétien, on peut ensuite aller plus loin: Celui qui nous conduit à travers le désert – c'est-à-dire l'aridité de notre vie peccamineuse et limitée - vers cette Terre Promise -, et qui est en même temps le lait et le miel qui y coule, l'oasis d'eau et d'ombre au milieu du désert, c'est le Christ. Lui seul est le vrai repos auquel tous nous aspirons: En faire l'expérience est le point de départ de toute vie chrétienne.

Cédric de La Serre

Cisjordanie - poème inspiré par notre visite

Rêver et mourir dans une vaste prison où les ailes de la nuit retombent impuissantes. L’espoir même semble vain, fruit d’un autre temps aux accents étrangers d’une dignité trouée. La jeunesse est une robe que l’on ne sait porter empêtrée dans les balles qui sifflent comme des cordages. Les lys blancs des vallées seuls se souviennent qu’hier encore ici la vie palpitait.  

Helena Vicario

Entre ciel et terre...

« Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire, cette gloire que, Fils unique plein de grâce et de vérité, il tient du Père. » Jn. 1,14

Si, après un mois de séjour dans ce pays, je devais dresser un bilan de ce que j’ai appris, je ne saurais par où commencer. Certains textes bibliques m’ont semblé s’éclaircir par les paysages traversés comme le verset qui nous parle du désert qui fleurit : « Que le désert et la terre aride se réjouissent! Que la steppe soit dans l'allégresse et fleurisse comme le narcisse; qu'elle fleurisse et s'épanouisse ; qu'elle tressaille d'allégresse et pousse des cris de joie ! » (Es. 35,1-2a)  Le désert de Judée peut en effet être submergé par les eaux car il est en contrebas de Jérusalem et, en automne, l’eau de la pluie s’écoule sur ses flancs.

D’autres passages ont gardé leur hermétisme, du fait des controverses d’ordre politique qui agitent l’archéologie dans ce pays. Comment savoir si l’empire de Salomon avait bien les frontières que le texte lui donne, si une déclaration dans un sens ou dans l’autre a des conséquences politiques majeures dans un pays où le passé semble toujours être conjugué au présent?

Il me semblait, avant de venir, que j’allais confronter le texte biblique à la réalité du terrain. Je me rends compte maintenant combien cette entreprise est illusoire et combien la réalité du terrain dépend des mots que nous y posons, de nos perceptions, de notre regard…

Il n’y a pas la Bible d’une part et la réalité d’une autre, il y a un entrelacs de relations qui s’entremêlent au point que les deux, réalité et Bible, apparaissent inextricables.

Dans ce pays, deux livres s’offrent à nous : le livre en terre, forme par les paysages devant nous, un livre fait de vestiges, de traces, d’éphémère et de pierres, et le livre fait de mots, de rêves, de confiance et de doutes que constitue la Bible.

Ces deux livres ne sont peut-être que deux versants d’une même soif, la soif d’entrer en relation avec ce qui nous dépasse, avec ce qui nous fonde, avec ce qui nous aide à vivre aujourd’hui alors même que la source remonte à plusieurs milliers d’années.

Une source qui, jamais tarie, se retrouve à la fois dans la matière et dans les mots, dans nos prières et dans la terre habitée, dans l’épaisseur de la réalité et dans la légèreté du saut de la foi.

La Parole de Dieu est venue habiter parmi nous, et comme le rappelle le pape François dans son encyclique sur l’écologie : «Même les fleurs des champs et les oiseaux qu’émerveillé Jésus a contemplés de ses yeux humains sont maintenant remplis de sa présence lumineuse »[1].

Helena Vicario



[1] Pape François “Loué sois-tu” Paris, Editions de l’Emmanuel, 2015 p. 53.

jeudi 23 juillet 2015

"Qui sont mes frères ?"


           Hasard ou Providence ? La liturgie de la messe nous proposait avant-hier et nous propose à nouveau aujourd'hui deux versions d'un même événement : la mère et les frères de Jésus le cherchent et il répond : "Qui est ma mère ? Qui sont mes frères ?" (Mt 12,46-50 et Mc 3,31-35), comme si Dieu voulait renforcer ce que nous venons de vivre.
Nous revenons de deux jours en Cisjordanie, territoire palestinien (où des musulmans en très grande majorité vivent en paix avec une faible minorité chrétienne) sous contrôle israélien pour la plupart. Des visites avec quelques liens bibliques mais surtout de nombreuses rencontres avec des Palestiniens : prêtres gréco-orthodoxe, arabe épiscopalien, melkite, un guide palestinien chrétien, une jeune comptable d'une société de commerce équitable (http://www.canaanfairtrade.com/) et tant de visages croisés.
Première surprise pour moi : nous avons passé la majeure parte de la journée d'hier et la nuit à Naplouse. J'ai été surpris par mon sentiment de sécurité (plus fort qu'ailleurs) dans les rues de cette ville sous autorité palestinienne et où nous pouvons lire à l'entrée un panneau mis par les Israéliens indiquant : "L'entrée pour les citoyens israéliens est interdite, dangereuse pour vos vies et est contraire à la loi israélienne".
Deuxième surprise : Helena et moi sommes allés découvrir la ville hier en fin d'après-midi pour en prendre le pouls. Nous avions à peine fait vingt mètres qu'une personne nous sourit et nous dit en anglais : "Bonjour, bienvenue en Palestine". Ce n'était que le premier d'une série de quinze ou vingt personnes ! Chrétien (minorité très faible) ou musulman ? Peu importe mais le sentiment d'être attendu et d'être accueilli, contrairement à beaucoup d'autres (toutes ?) villes où nous sommes passés et nous ressemblions plus à un billet de banque ambulant qu'à autre chose.
Rencontre de ce matin : Le prêtre melkite à Zababdeh nous indiquait qu'aujourd'hui, par notre visite, il avait l'impression de ne plus être le frère oublié mais le frère bien-aimé. Qui sont mes frères ? Les Juifs sont pourtant nos aînés dans la foi, les plus proches avec qui nous partageons l'Ancien Testament, et pourtant je me sens si éloigné d'eux… La richesse du Christianisme est que, par amour, Jésus a fait de chacun d'entre nous ses frères. Nous sommes donc tous des frères et pas seulement avec les plus proches mais aussi avec nos frères au loin (géographiquement et de foi). Ce prêtre ajoutait ce matin que nous devions salir nos mains à construire ces ponts par-dessus les murs pour montrer que l'amitié et l'amour étaient plus forts que la haine et la séparation.
Dans les Evangiles, la réponse de Jésus est que tous ceux qui font la volonté du Père qui est dans les Cieux est un frère, une sœur, une mère. C'est-à-dire tous ceux dont la charité en paroles et en actes permet de rapprocher ceux qu'ils rencontrent de Dieu : un sourire, une parole d'accueil pendant ces deux jours m'ont rappelé la bonté et l'Amour inconditionnel de Dieu pour chacun. Dans ce séjour, je suis donc surpris de voir ceux qui, en Terre Sainte, sont pour moi "mon frère, ma sœur, ma mère"…
                                                                                                                                   Nicolas
Au premier plan, église melkite de Zababdeh et, juste derrière, le minaret d'une mosquée.
                                                                                                                     

mardi 21 juillet 2015

Une question de génération?

Nous quatre français sommes les plus jeune du programme. Au départ, je ne pensais pas que cela serait un élément important dans le sens où à l'IPT depuis mes début, j'ai souvent été la plus jeune ou dans les plus jeune. Pourtant quelque chose m'a frappé à plusieurs reprises depuis le début du séjour. 


Nous parlons beaucoup de notre foi ensemble, du moins nous essayons d'expliquer les uns aux autres ce que le Christ manifeste en nous, comment nous vivons notre foi et comment cela se traduit au quotidien. Mais après plusieurs conversations, je me suis rendue compte que ces types de discussions ne venaient qu'entre nous. 

Je me suis dans un premier temps demandée si cela avait quelque chose à voir avec les différences de cultures (les français serions nous devenus si expressif sur nos sentiments?). Mais cela ne semblait pas être le cas. Puis j'ai pu discuter avec quelques uns des plus âgés du groupe qui sont arrivés au même constat mais à l'inverse... Eux sont surpris de voir avec quelle facilité nous exprimons notre foi et notre relation à Dieu. 

Là où je plaçais un problème culturel, se trouvait en fait un problème générationnel. Et je me souviens de mon grand père qui insistait sur le fait que la prière devait être dite dans son cœur et non à haute voix. De cette pudeur et cette gêne à exprimer ce que Dieu signifiait pour lui et quelle relation il avait avec lui. 

Et pourtant, Jean m'a regardée en souriant, les yeux émus me disant à quel point, elle trouvait beau cette facilité d'exprimer ce que l'on peut ressentir avec Dieu. Comme si, il s'agissait de quelque chose uniquement réservé aux nouvelles générations. Mais je me rends compte en réalité, que bien souvent, cette différence d'expression marque une sorte de division générationnelle dans la communauté. Après avoir parlé avec Jean, mon cœur était pleins de joie tant cet échange a été riche et tant j'ai appris avec elle qu'elle n'a surement de moi. 

Je crois qu'il est important de sensibiliser chaque génération à se rencontrer et à partager. Parce que la jeunesse a énormément à apprendre des personnes plus âgées, tout comme ces personnes âgées ont à apprendre des jeunes. Souvent, on pense que les séparer est le mieux pour que chacun puisse vivre ce qu'il à a vivre comme il en a l'habitude et le plus adapté possible. Je vois à quel point un mur est difficile à vivre au quotidien, mais en ne provoquant pas de rencontre entre les générations, nous créons nos propres murs à l'intérieur de nos communautés. Et je pense que l'unité pourra faire un pas de plus si nos communautés abattent leurs barrières.


Et ce soir, en discutant à la fin du diner avec Jane, elle m'a dit qu'elle prierait pour mes projets pour cette année et qu'elle ne doute pas que le Seigneur répondra, et même qu'il me le dira lui-même. Je lui ai dis que je prierais pour que le Seigneur réponde à ses prières personnelles aussi, elle m'a alors dit qu'elle allait commencer à se mettre à l'écoute alors! 

Karine.

dimanche 19 juillet 2015

Un peu d'étymologie #2




Le saviez vous... le terme sarcastique que l'on utilise en français comme une raillerie tournant en dérision une personne ou une situation vient du terme grec sarks qui signifie la chair et plus précisément de sarkasmos
Littéralement il s'agit de brûler la chair... On a employé ce terme car à l'époque se moquer de quelqu'un signifiait le brûler dans sa chair.

Karine.

A Césarée de Philippe...

... il est interdit de marcher sur l'eau!
Aucun écrit n'indique que Jésus entra à l'intérieur de ce sanctuaire. Cependant c'est dans les environs de la ville qu'a eu lieu la reconnaissance de Pierre envers Jésus comme Messie.
 (cf. Mt 16,13-20; Mc 8, 27-30)
Cédric de La Serre

samedi 18 juillet 2015

Saint Paul nous donne une clé


La complexité de la situation des chrétiens : ce que je comprends.

Je n'apprendrai rien à personne en écrivant que les relations inter-religieuses sont ici compliquées... Mais elles ne sont pas que cela : elles sont aussi complexes. Aussi aimerais-je, dans ce billet, témoigner de ce que j'ai pu en saisir ces derniers jours: Trop souvent, on assimile israélien et juif, arabe et musulman, et on oppose les deux camps. Or, c'est un raccourcit médiatique qui empêche de comprendre bien des situations, bien des événements.

La population de l’État d’Israël est composée à 75% de juifs, 30% n'étant pas nés sur le territoire israélien (c'est-à-dire qu'ils arrivent en Israël avec leur culture, leur langue et leur histoire propres), et leurs relations à la foi, au culte et à la pratique religieuse sont trop divers pour que je puisse en rendre compte. Un rabbin disait hier soir, « si vous avez deux juifs, vous avez dix opinions ». Ainsi, tous les juifs ne sont pas des militants sionistes ou nationalistes (tout l'éventail d'opinions est représenté dans la société), et on ne peut pas assimiler les orthodoxes (environ 9% de la population juive) aux nationalistes : ce sont deux enjeux différents et par certains aspects contradictoires, puisqu'une partie des nationalistes est toute à fait laïque, voire athée, et qu'une partie des orthodoxes refuse toute collaboration avec un État non-théocratique.
A côté des juifs, on trouve aussi, en Israël, près d'un quart d'Arabes israéliens, ce qui est loin d'être négligeable. Là aussi il y a une grande diversité religieuse, puisque si une large partie est musulmane, il y a une grosse minorité (environ 150 000 personnes) d'arabes chrétiens israéliens (de diverses confessions et dénominations), une autre druze, etc.

Voilà pour l’État d’Israël. A côté, la Palestine n'est pas non plus uniforme. Elle compte environ un tiers d'habitants de moins qu’Israël, mais l'absence de statistiques fiables récentes ne permet pas une étude très précise. On note, en gros : une grosse majorité musulmane (97% de la population, essentiellement sunnite), une petite minorité chrétienne concentrée dans quelques villes et villages, et une infime minorité samaritaine. A cela, on pourrait ajouter les colons juifs. Ainsi, si Bethléhem/Bethjala comptent peut-être un tiers de chrétiens, la bande de Gaza n'en aurait que 1200 sur 1,8 millions d'habitants.
Pour saisir la complexité, il faut aussi noter que les territoires dits palestiniens (c'est-à-dire qui ne sont pas explicitement partie de l’État d’Israël), sont pour une petite partie occupés par des colonies israéliennes, et pour le reste divisés en trois zones (A, B, C) dans lesquelles la souveraineté palestinienne est plus ou moins relative. La zone C, sous complet contrôle israélien, comprend ainsi 60% du territoire palestinien, la zone A, sous complet contrôle palestinien, comprenant 18% du territoire.

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Dans ce cadre, la situation des chrétiens est particulièrement complexe. D'une part, il y a les divisions historiques (cf. les articles précédents qui rendent compte de la situation contrastée dans les basiliques du saint Sépulcre et de la Nativité). Les chrétiens sont aussi administrativement divisés entre ceux qui sont Israéliens et ceux qui sont Palestiniens. Enfin, étant une petite minorité, ils sont aussi victimes d'excités et d'extrémistes de tous bords.

A titre d'exemple :
  • Peu avant l'entrée de la basilique de l'Annonciation à Nazareth, on peut voir ces affiches (cliquer sur les photos pour les agrandir et les lire). Elles sont là depuis plusieurs années, et bien de la majorité des musulmans ne se retrouve pas dans cette provocation, les pouvoirs publics ne sont pas assez forts pour pouvoir les faire retirer...


Et cela, alors que les chrétiens sont impliqués de manière édifiante dans la recherche du bien commun, tant en Israël qu'en Palestine. Je ne donne qu'un exemple : l'université de Bethléhem, seule opportunité d'études supérieures pour beaucoup de jeunes de Cisjordanie, est sous la tutelle des Frères des écoles chrétiennes, des religieux catholiques, et une large partie de son financement est directement assuré par des organismes chrétiens. Mais elle accueille 70% d'étudiants musulmans. Il ne s'agit ici évidement pas de prétendre que les chrétiens sont plus saints que les autres; il va de soi qu'ils sont tout autant pécheurs et qu'il est impossible de savoir ce qui habite le cœur de chacun. Il va aussi de soi que des individus et institutions tant israéliennes que palestiniennes œuvrent avec zèle et honnêteté à la paix, à la justice et à la fraternité. Tantur en est souvent le témoin et/ou l'hôte. Mais par cet article, je veux seulement témoigner du sentiment qui m'habite et de ce que j'ai vu et vécu ces dernières semaines.

Dans ce cadre, je ne peux que reprendre les mots de l'abbé de l'abbaye de la Dormition - maison-mère du monastère de la multiplication des pains -, en réponse à l'incendie de Tabgha: « Il y a quelques nuits, nous avons souffert une attaque sévère. Un feu qui mettait en danger des vies humaines. Tous les résidents de la région – chrétiens, druzes, musulmans et juifs devraient protester contre cet acte. Mais nous sommes chrétiens et nous devons réagir en tant que chrétiens. Nous sommes dans le lieu où le Christ accomplissait ses miracles, et nous accueillons ici des moines malades depuis des années. Nous remplacerons ce terrible feu de l’incendie par le feu de l’Amour et du Pardon de Dieu. »


Cédric de La Serre

vendredi 17 juillet 2015

"Oui, il est bon, il est doux pour des frères de vivre ensemble et d'être unis !"


Le Mont Hermon (enneigé en hiver) donne naissance à un des trois cours d'eau constituant le Jourdain et qui permet d'approvisionner tout Israël, dont Jérusalem (Sion), en eau par un pompage dans le lac de Tibériade.

01 Oui, il est bon, il est doux pour des frères de vivre ensemble et d'être unis !
02 On dirait un baume précieux, un parfum sur la tête, qui descend sur la barbe, la barbe d'Aaron, qui descend sur le bord de son vêtement.
03 On dirait la rosée de l'Hermon qui descend sur les collines de Sion. C'est là que le Seigneur envoie la bénédiction, la vie pour toujours. (Ps 132)

De retour de Galilée, voilà mes premières impressions. J'ai été frappé par les distances parcourues par Jésus et ses disciples. Les passages se succèdent à vitesse grand V dans les Evangiles mais les distances entre les lieux ne sont pas négligeables. Ainsi, Jésus passait beaucoup de temps informel à marcher, discuter, vivre avec ses disciples. Ses disciples le voyaient vivre, agir, parler, choisir. 
Cheminer vers l'unité passe par cela : se côtoyer, passer du temps ensemble dans les joies et les frottements de la vie quotidienne, dans l'amour fraternel et la miséricorde sans cesse renouvelée, dans les différences, les discussions où chacun garde sa position, sa particularité, sa richesse. Ce que nous vivons ici ! Une certitude reste : celle d'être tous aimés et sauvés par Dieu, celle de la présence de Jésus qui nous a assuré de sa présence jusqu'à la fin des temps et d'être ainsi ré-unis autour du Verbe de Dieu, Celui que nous voulons suivre et à qui nous voulons donner notre vie. 

                                                                                                                      Nicolas